Living room

Invité à proposer une installation in situ pour la galerie de l’école, Alfonse, Paul et les autres prend le parti de redonner à la salle d’exposition – un ancien salon bourgeois d’un appartement privé avec cheminée, miroir et boiseries – une fonction de pièce de vie. Prenant le contre-pied de la neutralité aseptisée du white-cube, l’artiste sature l’espace d’un spectaculaire décor végétal. Des représentations de plantes et de fruits surdimensionnés prennent place dans la pièce. Ces dessins à l’échelle de l’espace sont loin d’être aussi lisses que les images à partir desquelles ils sont réalisés. Alors que la planche de botanique objective et isole, toujours avec élégance et délicatesse, des espèces végétales jugées remarquables par leur intérêt scientifique et/ou commercial, ici, les traits sont vifs, les couleurs saturées, les vis apparentes. Si ce traitement brutal exprime une certaine violence exercée sur le vivant, paradoxalement il redonne aussi de la sève, une pulsation, une énergie vivifiante au végétal, figé par le regard de la science. Selon la même dynamique, l’artiste revivifie le salon en installant dans ce « living room » des fauteuils confortables, une table basse, un tapis, du papier peint au mur. Il invite l’usager des lieux à s’asseoir pour se délasser et prendre le temps de la contemplation. « Living room » apparaît alors comme une oasis luxuriante au milieu d’un monde d’hyper-sollicitation dans lequel nous sommes saturés de flux d’informations.

Vivarium 2

Vivarium met en scène des représentations de végétaux réalisées d’après des planches de botanique et des produits de consommation utilisés pour la décoration d’intérieur. Dessinées à l’échelle de l’espace de manière relativement brute, les plantes semblent démesurées par rapport au décor bourgeois installé, créant un décalage entre présentation marchande et mise en avant spectaculaire de la « nature ». Cette jungle artificielle où les réparations et les lignes irrégulières créées à la main sont rendues visibles, joue avec les motifs d’un papier peint standardisé. L’artiste propose une installation complexe à appréhender qui invite à réfléchir sur la marchandisation.

Flemish penthouse

Alfonse, Paul et les autres, Flemish penthouse, installation, technique mixte, la Ferme d’en Haut, Villeneuve d’Ascq, 2023. Photo : eiio studio

Sur le motif

L’installation in situ Sur le motif plonge le spectateur dans un troublant décor végétal tropical. Des plantes surdimensionnées, dessinées d’après des planches de botanique anciennes, prennent place dans l’entrée de la Maison de l’Architecture. Les végétaux exotiques se confondent avec le papier peint panoramique à l’arrière-plan représentant les hortillonnages, paysage emblématique du territoire amiénois. Le traitement brut des végétaux représentés contraste singulièrement avec l’esthétique lisse de la photo touristique. Des plantes artificielles, un dessin encadré et un siège de camping vintage de couleur fluo complètent la mise en scène de cet étrange show room qui brouille les frontières entre intérieur et extérieur. Légère et séduisante au premier abord, cette vision tropicale du territoire amiénois peut également être perçue comme une invitation à considérer l’instabilité d’un monde contemporain confronté à des dérèglements d’une gravité inédite.

Rabbit run

L’image spectaculaire d’un lapin occupe l’espace d’exposition de la Briqueterie. Dessiné à l’échelle du lieu au crayon de couleur sur du bois, l’animal apparaît au sein d’un décor qui évoque un intérieur bourgeois. Quelques dessins animaliers encadrés sont accrochés au mur, habillé d’un papier peint à motif tropical. L’installation Rabbit run instaure une tension entre l’évocation d’un espace domestique et la représentation du lapin, réinterprété avec vivacité. Par sa présence démesurée, l’animal semble bousculer un décor, trop petit pour lui. La trace du geste fait surgir la bête derrière l’image mignonne comme pour défaire un univers policé qui « domestique » le vivant en le réduisant à une pure présence décorative.

Natural leadership

L’installation Natural leadership plonge le spectateur dans un décor enfantin dans lequel le cheval apparaît comme un motif obsédant. L’oeuvre est dominée par la présence perturbante d’un dessin de Poney Shetland surdimensionnée. Constituée d’éléments dessinés d’après des images prélevées dans des univers très contrastés – du jouet girly à l’austère traité d’équitation – l’oeuvre instaure une porosité entre éducation des enfants, dressage des chevaux et formation des adultes. Natural leadership met en évidence de façon ironique le basculement du monde du cheval vers l'univers des loisirs.

Stable things

La série de dessins au crayon de couleur « Stable things », attribuée à l’artiste Paul Martin, reprend de façon ironique des stéréotypes de la culture populaire. La figure virile du cow-boy côtoie des illustrations de « poney books », des ouvrages à destination des jeunes filles passionnées de cheval. Les couleurs fluos et le traitement gestuel instaure une distance avec les images qui permet de révéler l’artificialité des situations et des rôles joués par les personnages.

Bird of paradise

L’installation Bird of paradise présente un enchevêtrement de végétaux dessinés et peints sur du bois découpé, mêlés à des plantes en pots sur fond de papier peint à motif végétal. Réalisées d’après des planches de botanique des XVIIIe et XIXe siècle, ces représentations sont des images d’images. Alfonse, Paul et les autres fait subir un traitement gestuel à ces dessins délicats, nés du dialogue entre artistes et scientifiques, pour en modifier la perception. Les plantes sont réinterprétées au crayon de couleur et à l’encre sur des supports à l’échelle de l’espace de la vitrine. Le geste contrôlé cède la place à un trait vif, à des coulures et des repentirs. L’artiste pioche dans l’immense corpus offert aujourd’hui par les plateformes numériques pour associer librement des dessins d’espèces végétales sans aucun respect pour les classifications. Les images numériques alimentent un processus de travail organique qui vise à redonner une présence matérielle et sensuelle à des images aujourd’hui perçues principalement à travers des écrans.

Vivarium

Vivarium

Vivarium met en scène des représentations de végétaux réalisées d’après des planches de botanique et des produits de consommation utilisés pour la décoration d’intérieur. Dessinées à l’échelle de l’espace de manière relativement brute, les plantes semblent démesurées par rapport au décor bourgeois installé, créant un décalage entre présentation marchande et mise en avant spectaculaire de la «nature». Cette jungle artificielle où les ébauches, réparations, lignes irrégulières créées à la main sont rendues visibles, joue avec les motifs d’un papier peint standardisé. Celui-ci tapisse le pan de mur placé à l’arrière de ce qui pourrait apparaître comme un « show-room». À mi-chemin entre déco girly et mise en scène prostitutionnelle, ces éléments contribuent à instaurer une tension à la fois esthétique et érotique dans ce vivarium présenté aux passant.e.s.

Tropical tendencies

Dans la série Tropical tendencies, je réinterprète à l'échelle d'un lieu des planches de botaniques anciennes (principalement des XVIII et XIXème siècles). J'applique un traitement gestuel à ces images didactiques d'un autre âge que je m'approprie en prélevant dans les banques d'images numériques accessibles sur le web. Ces reprises sauvages et chaotiques associent des espèces appartenant à des biotopes totalement différents, sans aucun souci de cohérence au niveau de l'échelle. Depuis un point de vue d'amateur ignorant tout de la botanique, j'instaure une nouvelle cohérence organique qui prend le pas sur la tentative d'objectivation de la nature dont ces représentations sont porteuses. Des plantes en pots, aussi artificielles que des objets, se mêlent aux végétaux dessinés. L'installation transforme le lieu en une jungle onirique, un paysage pulsionnel profondément habité, un vert paradis incontrôlable qui resurgit au sein d'un monde de plus en plus normalisé et artificialisé.

Quickies

Les Quickies constituent une série d'installations murales réalisées dans mon atelier à Saint-Gilles depuis septembre 2020. Conçues pour être montrées sur les réseaux sociaux, Instagram en particulier, ces installations frontales constituées à partir d'éléments hétérogènes, existants ou non, sont exécutées en quelques jours et démontées aussitôt après avoir été documentées. J'ai conçu ce nouveau protocole afin de pouvoir maintenir mon travail d'installation – y compris en cas de re-confinement.

High fidelity

Cette série de dessins au crayon de couleur attribuée à Paul Martin associe images d’animaux « so cute » et représentations stéréotypées de couples. Fondée sur des images appartenant à la culture populaire, la série révèle avec une ironie mordante la synchronisation des désirs et le rôle puissant des stéréotypes médiatiques dans la construction de notre imaginaire.

Urszene

Cette série de dessins, toujours en cours, fait référence au concept freudien de « scène primitive » (Urszene en Allemand). Ce terme « désigne le fait pour un enfant de voir ou de fantasmer le rapport sexuel entre ses parents, interprété par lui en termes de violence, énigmatique, et provoquant une excitation sexuelle. » (Wikipédia) Dans ces dessins, un animal, un chaton la plupart du temps, fixe avec une attention soutenue une scène pornographique. La présence de l'animal, gigantesque à côté des êtres humains, opère une mise à distance. Nous sommes amenés à nous identifier à l'animal voyeur sur lequel nous projetons des sentiments humains : curiosité, dégoût, mépris, fascination… La scène sexuelle n'a rien de réaliste. Elle bascule du côté du fantasme et de l'imaginaire. J'ironise ainsi sur la théorie freudienne dont les prétentions scientifiques peuvent prêter à sourire, mais sur laquelle repose encore une bonne partie des tabous et des interdits qui régissent notre société.

Today’s homes

La série de dessins « Today’s homes » situe dans un même espace représenté une scène pornographique réalisée d’après un gif animé et des éléments de mobilier contemporain. Dans cet univers déconcertant, les corps ne sont pas proportionnés au décor. La scène sexuelle acquiert ainsi une dimension onirique.

Actions

Les statements handmade de Justin Saxe ironisent sur les fantasmes véhiculés par les médias et abondamment exploités dans les discours politiques. Contrairement à ses confères, Paul Martin et Alfonse Dagada, Justin Saxe rejette tout recours à un quelconque « savoir-faire ». Il privilégie une esthétique DIY pseudo-conceptuelle qui met en tension corps et langage, geste, matière et image. À l'heure où certaines formes inventées par l'art conceptuel ont été rattrapées par la décoration « chic » et le mépris de classe qui va avec, l'artiste confronte cet intellectualisme aussi éthéré qu'étriqué à la trivialité la plus crue.

Sweat dreams

Dans la série Sweat dreams, se croisent des images de couples stéréotypés tirés de couvertures de romans à l'eau de rose et des scènes pornographiques dessinées d'après des gif animés, trouvés sur le web. Ces deux types d'images – fortement contrastées en apparence – se révèlent étonnamment proches. Ces deux imaginaires contribuent à renforcer des stéréotypes de genre en s'adressant chacun à un public cible différent, majoritairement féminin pour les romans à l'eau de rose, principalement masculin pour la pornographie. Ces imageries participent à une même standardisation des modes de pensée et des modes de vie pour organiser nos existences autour de la consommation. Le sentiment amoureux et l'excitation sexuelle deviennent des produits que tout un chacun se doit de chercher à posséder.

Queer fantasy

Dans cette série de dessins, je fais se rencontrer grâce à un dessin gestuel au crayon de couleur des images populaires sur le web appartenant à des catégories qui sont d'ordinaire cloisonnées. Ainsi la pornographie gay côtoie l'imagerie pornographique mainstream. La réinterprétation graphique tend à dissoudre la rigidité de ces univers codifiés par le jeu des superpositions et les proximités nouvelles induites par le dessin. Cette série offre ainsi une réflexion sur le rôle complexe joué par les images médiatiques sur notre construction identitaire.

Porn studies

Réalisée d'après des gifs animés pornographiques publiés sur Tumblr, cette série de dessins au crayon de couleur explore ce qui constitue un des contenus les plus partagés sur le web. Dessiner au crayon de couleur sur du papier d'après l'écran d'une tablette ou d'un téléphone me permet d'engager avec l'image une relation d'attention profonde qui relève plus d'une posture « d'amateur » au sens noble du terme que de consommateur. Au-delà de l'excitation optique, il s'agit de trouver dans cette activité – regarder des images porno – trop souvent dévalorisée, une forme d'accomplissement. La pulsion sexuelle devient le moteur de l'oeuvre, alors qu'elle est la plupart du temps instrumentalisée par le marché pour stimuler la consommation.

Domestic life

L'installation Domestic life comprend huit dessins encadrés de la série « So cute ! » réalisés en 2015. Ces cadres sont accrochés sur une cimaise face à la vitrine du Bureau d'Art et de Recherche qui donne sur la rue. Une forme organique « bleu lagon » se déploie sur la cimaise et se prolonge sur le sol grâce à des formes en bois chantournées. Une pseudo console DIY est placée contre la cimaise. Trois plantes en pot sont disposées dans ce décor. Comme le suggère le titre, l'installation crée une tension entre un certain ordre, une "domestication" soft du vivant (l'animal, la plante) et une pulsion vitale qui bouscule, dérange et déborde des "cadres" . L'oeuvre oscille entre le "cute" et l'excrémentiel, l' image-écran et la sensualité de la matière, le décoratif et le geste brutale.

So cute !

Je m'interroge sur la présence massive de l'animal attendrissant sur les écrans du monde entier qui semble révéler en creux le besoin de présence et d'affection de milliards d'individus atomisés dans un grand marché mondial. En regardant ce qui retient notre attention de manière presque compulsive, ma démarche tend à dresser une sorte d'atlas des centres d'intérêt de l'humanité connectée du XXIème siècle.

True love

Dans la série « True love », je réinterprète des images de couples stéréotypés qui figurent sur les couvertures des romans à l'eau de rose de la collection Harlequin. Ce travail est un hommage ironique à la puissance de cet imaginaire amoureux, omniprésent dans la culture populaire (fictions télévisées, romans-photo, feuilletons, chansons, comédies sentimentales). La sérialité révèle le caractère construit et normé des différentes manifestations du « transport amoureux ».

Fairy tales

"En empruntant ses modèles aux représentations consensuelles trouvées sur Internet (les clichés érotiques, touristiques ou naturalistes), Alfonse, Paul et les autres met en question la façon dont le partage massif d’une imagerie synchronise les projections individuelles et annule l’expression de leurs singularités. Iconographie du trivial, du consommatoire et du vulgaire, ces figures relèvent en effet de constructions fantasmatiques stéréotypées, donc aseptisées, avec lesquelles l’art peut, sinon doit, installer une distance critique." Florian Gaité, Mont-Saint-Michel boogie-woogie, 2015.

Balises urbaines

Le projet des balises urbaines, porté par l'association Welchrome, consistait à faire se télescoper des icônes contradictoires de la ville côtière : celle de la modernité d'après-guerre qui cohabite – non sans tension – avec toute une iconographie folklorique développée à partir du XIXème et rendue visible sous la forme notamment de cartes postales mettant en scène des personnages pseudo-typiques de la Côte d'Opale (le marin, la matelote...). C'est la contradiction profonde qui oppose les deux projets, celui de la modernité et celui d'une cité portuaire arborant une identité non pas factice mais fabriquée que Paul Martin avait à cœur de révéler non sans humour, en déclassant les références modernistes et en hissant les images folkloriques, le tout dans des propositions nivelant avec ironie ces valeurs patrimoniales.

Fear

"Les pin-up détourées d’Alfonse Dagada sont composées de plusieurs strates de papier et carton dessinés ou peints, agrafées les unes sur les autres comme par tant de clics de souris enhardis. Femmes de poche se repliant tels des dépliants, géantes déroulées, corps décapités, accessoires érotisés ou phallus menaçants sont agencés sur de grandes surfaces murales selon les fantaisies d’Alfonse bravant le vertige du haut d’une échelle aléatoire. Désir, plaisir, danger, obsessions lubriques : la volupté menaçante des œuvres d’Alfonse Dagada célèbre et lacère le pouvoir de séduction de la pornographie haut débit." Barnabé Mons, Safari libidineux, février 2012.

Queer constructions

« D’un point de vue technique, les Constructions d’Alfonse Dagada s’apparentent aux Cadavres Exquis surréalistes. (...) Le résultat final est chaque fois inédit et surprenant. Alfonse Dagada s’inspire de cette méthode qui favorise les associations, intellectuelles et formelles, qui émanent de l’inconscient. Des combinaisons débridées et spontanées, au sein desquelles le corps fragmenté entre en symbiose avec l’objet. L’artiste pioche dans ses différents travaux afin de leur donner de nouvelles significations, de nouvelles destinations. » Julie Crenn, « Alfonse Dagada - Lexique anatomique », 2011.